Le plan de cohésion sociale est passé. Il se voulait, selon Monsieur J.L. Borloo, une « réponse au risque majeur de désintégration républicaine qui menace le pays »
Ce projet ambitieux, programmé sur cinq ans, portait sur l’emploi, le logement et l’égalité des chances. Il prévoyait 800 000 contrats de plus en cinq ans et l’instauration de contrats d’activité alliés à une formation et destinés à « remettre le pied à l’étrier à un million de Rmistes et chômeurs de longue durée ».
Pour l’habitat, il était envisagé la construction de 600 000 logements conventionnés et bien d’autres mesures concernant le logement privé et l’hébergement d’urgence.
L’égalité des chances s’inscrivait, quant à elle, dans une logique de discrimination positive reposant sur une base géographique et non pas ethnique.
Ce plan correspondait-il aux attentes des Français et permettait-il de réduire cette « fracture sociale » qui n’en finit pas de s’agrandir ? Est-t-il parvenu à mobiliser et responsabiliser ceux qui ont, depuis longtemps, renoncé à être considérés comme des citoyens utiles à leur pays? Est-il parvenu à rétablir la confiance sans laquelle rien n’est possible ?
Nous l’espérions vivement et nous avons souhaité nous y associer. Toutefois, nous pensons que sur le plan social, économique ou culturel, toute réforme ou changement doivent s’accompagner d’un processus d’application, d’un effort d’éducation et de formation, en particulier des acteurs chargés de mettre en œuvre le dispositif élaboré.
Trop de lois, décrets, dispositifs ont été lancés et attendus avec enthousiasme qui se sont dissous dans des applications décalées, des financements insuffisants ou simplement dans l’incompréhension totale de ceux qui en étaient les destinataires et, plus grave encore, dans la méconnaissance de ceux sensés les appliquer.
D’autre part, ces mêmes changements doivent être ancrés dans le patrimoine culturel des ensembles sociaux concernés. Ils doivent en être en quelque sorte l’émanation, la continuité et s’inscrire en amont d’un mouvement global de changement des pratiques sociales, voire le précéder.
Enfin, dans une société où l’individu ne se reconnaît plus en tant que citoyen, il ne suffit pas d’un plan pour rétablir la cohésion sociale. Il faut aussi redonner à chacun l’envie de modifier ses attitudes et ses comportements et de s’impliquer dans des projets.
Ce qui était en jeu, et qui l’est encore, c’est la continuité de la France, qui se construit sur un ensemble de facteurs maîtrisables : les perceptions individuelles et collectives, les enjeux culturels et bien d’autres éléments (l’exemplarité de l’élite par exemple) qui déterminent fortement les mentalités et les représentations du monde.
Il est vrai qu’il s’agissait là d’un défi aussi large que de vouloir construire 600 000 logements sociaux, ou justifier par des résultats sans ambiguïté les prélèvements budgétaires nécessaires, ainsi que l’ont fait remarquer certains à l’annonce du plan.
Les errements du passé sont encore présents dans nos mémoires sous forme de dispositifs depuis longtemps oubliés ou soigneusement engagés dans une voie onéreuse et sans issue.
Aussi, nous étions persuadés que le plan de Monsieur Borloo avait toutes ses chances de réussite s’il était accompagné d’un dispositif de formation aux pratiques sociales et comportementales qui aurait pour objectif premier de refaire de l’individu un citoyen à partir des réalités sociales nouvelles
Ce cursus de formation aux pratiques sociales, que nous proposions, n’avait pas seulement vocation à former des salariés pour entreprises d’insertion ou d’associations, mais une formation comportementale, fortement liée au développement personnel de l’individu en relation avec un groupe ou une organisation. Les enseignements proposés ne poursuivaient pas exclusivement les classiques objectifs de formation, mais bien des objectifs de transformations des individus-acteurs.
Cet enseignement au « management social » relevait d’une stratégie destinée à renforcer l’efficacité de l’organisation sociale, de sa cohésion et de sa cohérence, à partir du renforcement des compétences sociales et managériales individuelles.
L’acteur praticien devait mettre à profit ce double enrichissement individuel et citoyen, destiné à abolir la distance entre l’individu sujet, le praticien du social et l’organisme institution avec lequel ils interagissent. Il aurait eu également pour objectif, non secondaire, d’engendrer l’adhésion aux valeurs et aux projets des organisations et institutions dont il est le référent.
Mis en œuvre massivement, avec énergie et détermination, ce cursus et «programme de formation aux pratiques sociales et comportementales» aurait pu rapidement inverser cette tendance néfaste de «désintégration sociale et républicaine » à laquelle la France est effectivement exposée.
Avec la mise en œuvre du plan de cohésion sociale, la formation des professionnels et des bénévoles intervenant sur les sites de la politique de la ville devenait un objectif incontournable et urgent.
C’est la raison pour laquelle nous pensions qu’il appartenait aux acteurs et opérateurs eux-mêmes de prendre également l’initiative d’aller vers plus de cohérence et transfert d’expériences au niveau de leurs projets et de leurs réalisations. Ce faire ensemble local pouvait se réaliser au sein d’une structure neutre et objective, une plateforme régionale, voire départementale, ayant pour objectif principal la rencontre des expériences, l’élaboration des programmes de formation, le soutien stratégique des associations adhérentes etc.
Cette plateforme aurait eu pour objectif premier de former des acteurs sociaux impliqués au sein d'organismes à vocation sociale et culturelle. La formation s'adressant préférentiellement à des professionnels intervenant dans le champ culturel, le travail social, le développement local, l’animation socioculturelle. Ces formations auraient été dispensées par les associations adhérentes de la plateforme.
L’objectif second, mais non secondaire, étant la formation des formateurs directement appelés à la formation des acteurs sociaux.
Nous étions, et nous sommes toujours devant un défi que nous pouvions relever. Il s’agit de former des animateurs et des gestionnaires, des personnes capables de créer, diriger, animer, organiser, gérer, administrer des structures existantes ou nouvelles d'organismes, essentiellement des associations, collectivités locales ou territoriales, collectifs, services internes de grandes organisations publiques et privées à but non lucratif, coopératives à finalité sociale, mutuelles à vocation sociale et culturelle. Des personnes intervenant dans le champ de l'intervention sociale au sens large : assistants sociaux, éducateurs, animateurs, infirmiers, chefs de projet, agents de développement, chargé de missions. Des intervenants dans les champs de la culture, soit la culture au sens strict, c'est-à-dire la conception, la production, la diffusion d’œuvres culturelles, soit l'animation socioculturelle.
Ce projet de plateforme locale s’inscrivait dans le contexte de l’essor du secteur tertiaire relationnel qui entend, au côté des nombreux acteurs sociaux, des chercheurs et des responsables politiques, contribuer à définir et développer les métiers de l’action sociale.
Qu’en est-il en mai 2007, à l’issue de l’élection d’un nouveau Président de la République, à l’orée des législatives et au-delà, des municipales ?
Nous vivons une troisième grande transformation des métiers en lien avec une nouvelle révolution technologique.
Au cours de ces vingt dernières années, la crise industrielle et le retrait de l’Etat Providence s’accompagnent de l’essor du secteur tertiaire relationnel et de la révolution des technologies de l’information et de la communication.
Les nouveaux emplois concernent la santé, les services sociaux, la culture, l’activité artistique, les services de proximité, le développement local…etc. A titre d’exemples, entre 1990 et 1999, le nombre des assistantes familiales a cru de 121%, celui des conseillers familiaux de 175%, des comédiens et danseurs de 98%, des animateurs socioculturels et de loisirs de 93%… etc.
Mais les métiers ne changent pas indépendamment des organisations de travail. Plutôt que dans le cadre de la société de capitaux, l’activité de tertiaire relationnel s’épanouit dans des associations, mais aussi des coopératives et des mutuelles, qui subordonnent (encore) la lucrativité à la finalité sociale.
En proposant une nouvelle approche basé sur l’éducation et la formation, l’activité de tertiaire relationnel confirme que l’activité première de l’économie a changé : hier c’était la transformation de la matière, aujourd’hui c’est le service aux personnes qui tend à devenir le moteur économique de la croissance.
Comment faire vivre et se développer, au delà du projet d'une ou de quelques personnes, un organisme à vocation sociale et culturelle ? Comment élargir ses activités, mobiliser des bénévoles, des administrateurs, convaincre des partenaires, salarier des personnes, sans trahir son objectif initial ? Doit- il calquer son fonctionnement sur celui des entreprises classiques ?
Certaines techniques de gestion et de management sont communes -par nécessité ou par choix- avec le secteur privé classique ou le secteur public. Mais les objectifs poursuivis sont radicalement différents : la démarche de fondation de tels organismes s'inscrit dans une tradition de pensée et d'agir, qui se distingue à la fois de l’entreprise libérale et de l'action de l'Etat.
Leur finalité est de répondre à des aspirations sociales ou culturelles et non de rémunérer un capital, ni d'arbitrer des conflits sociaux.
L'originalité de ces organismes tient aux valeurs auxquelles ils se réfèrent, à l'objet poursuivi, au statut juridique, à l'organisation du travail, à la subordination des techniques de gestion à une utilité sociale.
Elle tient également à leur inscription dans des réseaux du fait des relations privilégiées qu’ils entretiennent avec les populations intéressées à leur objet, avec des administrations, des collectivités locales et territoriales, des entreprises classiques, des banques, qui pèsent sur les décisions et/ou participent de différentes façons à leur activité.
Cette activité est particulièrement questionnée aujourd'hui par la transformation et l’affaiblissement des valeurs et des orientations économiques des sociétés occidentales. Il est indispensable de connaître les évolutions liées à cette transformation.
Il est tout autant nécessaire de découvrir les réussites de nombreuses expériences qui témoignent de la possibilité de créer et développer des organismes à vocation économique sociale et culturelle qui viennent s’inscrire au cœur de la société libérale et de la compléter.
Cela doit relever de la liberté pédagogique de l’éducateur et du formateur et c’est bien ce que nous entendions promouvoir dans notre plateforme.
Un projet de plateforme pourrait se décliner ainsi :
Finalité :
Comment améliorer la visibilité des acteurs et des actions ?
Comment encourager la capitalisation et le transfert d'expériences sur un territoire donné ? Comment assurer la formation des professionnels et des bénévoles intervenant sur les sites de la politique de la ville ?
Comment répondre aux nouveaux besoins de formation des opérateurs et acteurs sociaux ?
Objet :
Promotion de la vie associative dans les champs d’intervention prioritaire de la jeunesse, de l’éducation populaire, de l’insertion sociale et par l’économique, du développement social et culturel, de l’environnement et du cadre de vie, de la prévention des conduites à risque et addictives etc.
Développement de partenariats au niveau régional au service des associations membres
Mutualisation des expériences et échanges de pratiques
Réalisation de programmes de formation spécifiques aux acteurs de terrain et à leurs formateurs.
Réalisation d’études ou de colloques sur des questions intéressant la vie associative régionale ou locale.
Objectif :
Créer une plate-forme de formation régionale ou locale et en assurer la coordination.
Dans le cadre du contrat de plan Etat-Région, la formation des professionnels et des bénévoles intervenant sur les sites de la politique de la Ville peut être financée par une collectivité locale et par les administrations décentralisées. Ces formations pourraient être dispensées par des associations ou des personnes physiques adhérentes de la plate-forme.
Méthodologie :
Des actions de formation qui s’insèrent dans des actions en réseau et pas seulement dans des dispositifs. Des actions courtes et décentralisées en scolaire, social, familial (les trois pôles de l’éducation et de la formation)
Les partenaires :
A rassembler autour d’un « Comité de Pilotage», dans le cadre d’un contrat identique à celui des « Contrats de Ville » qui ont si bien réussi en ville de Valencienne par exemple. Il devra y associer les partenaires institutionnels et associatifs.
Les modes de fonctionnement et les programmes, les financements:
Une politique éducative ou sociale locale se met en oeuvre à l’aide de dispositifs élaborés au niveau national et relayés par les services déconcentrés des administrations.
Une multitude d’actions locales sont alors envisagées puis déclinées par des acteurs et praticiens locaux.
C’est souvent à ce niveau là que se pose la question de la pertinence de ces actions, de la connaissance que les acteurs ont des dispositifs, de la compétence des praticiens, de la cohérence des conduites et de la représentation que chacun se fait des méthodes et conditions de réalisation, des partenariats à développer, des ressources à mobiliser.
Les contrats éducatifs locaux et les contrats locaux de sécurité ont quelques années d’existence, et nous ne pouvons raisonnablement estimer que ces dispositifs se soient effectivement mis en place et répondent véritablement aux attentes des bénéficiaires, particulièrement pour ce qui concerne les enfants et les jeunes.
Nous estimons pour notre part que la raison principale en est dans la difficulté qu’éprouvent les partenaires potentiels à construire une « logique partenariale globale », mais également dans la façon de s’approprier et d’adapter un dispositif aux particularités locales.
C’est la raison pour laquelle, il faut prendre l’initiative de provoquer en amont des rencontres entre représentants institutionnels, qui font souvent preuve de motivations personnelles très fortes, et acteurs locaux, praticiens etc. dans l’objectif de construire une démarche collective de réalisation d’un cadre de référence commun dans l’élaboration des Politiques Educatives Locales.
Ce cadre commun de références c’est la Plateforme de Formation aux Pratiques Sociales et Comportementales.
Celle-ci doit avoir pour ambition :
D’aider les acteurs locaux, qu’ils soient élus, professionnels associatifs ou des collectivités territoriales, bénévoles, parents, à clarifier leurs finalités éducatives et sociales.
De donner un certain nombre de définitions précisant la signification à donner à des termes comme : dispositifs, sites, actions, coordinateurs, binômes etc.…)
De présenter un certain nombre d’éléments qui feront que, selon le groupe de travail, une action soit éducative, sociale, de permettre de repérer ce qui fait qu’un projet d’action est en cohérence avec les finalités éducatives ou sociales.
De mettre en évidence l’importance de l’évaluation et d’en prévoir les outils dés l’origine d’un projet
De proposer des thèmes prioritaires de réflexion et des priorités sur des programmes dont les objectifs pourraient être les suivants :
Faire le point sur l’évolution de la structuration de chacun des dispositifs et de leurs activités.
Poursuivre les échanges sur nos pratiques et sur les réflexions en cours.
Faire le point sur les avancées de ces échanges et sur les modalités de collaboration entre dispositifs et entre acteurs associatifs.
Dire comment travailler ensemble en vue d’harmoniser et de développer nos pratiques de formation envers les professionnels et bénévoles intervenant sur le site de la politique de la ville.
Éléments spécifiques caractérisant la coordination.
Label plateforme pour la formation des acteurs associatifs de la politique de la Ville
Coordination des programmes de formation (maître d’ouvrage)
Organisme intermédiaire pour l'attribution du FSE Objectif 3 : Ligne 10 B Microprojets associatifs
Volonté de créer des postes FONJEP régionaux
Développement de la ligne budgétaire du FRDVA (Fonds régional pour le développement de la vie associative)
Mise en place d’un observatoire régional de la Politique de la Ville à partir d’échanges d’expériences et de pratiques.
Bien avant l’annonce du « plan de cohésion sociale », nous avions soumis ce projet aux différentes institutions susceptibles de le soutenir et de l’accompagner. Le moins que l’on puisse dire c’est que nous n’avons pas fait école. Toutefois, nous sommes persévérants et avons conservé notre détermination. Aussi, nous espérons que les nouveaux pouvoirs auront quelque intérêt pour nos propositions. Après tout, n’est-ce pas le rôle du « politique » et des fonctionnaires au service des administrés que de s’intéresser aussi aux propositions en provenance des citoyens de base ?
Francis NERI
Le 16 mai 2007