Regarder le progrès avec raison et le développement de manière responsable n’est pas suffisant pour l’avenir du monde si nous n’y intégrons pas le développement culturel.
Les écologistes, mais surtout l’écologie politique, tarissent et vident de sens, les débats d'idées qu’ils ont transformés en conflits idéologiques: ils appellent, par exemple, à la décroissance, quand tous les chômeurs du monde entier en implorent le retour.
Nous avons tous compris que la croissance n'est pas un but en soi, mais une fois un problème posé dans sa complexité, il s’agit d’y faire face autrement qu’avec des œillères idéologiques. Bref, une fois le « débat démocratique » achevé, il faut passer aux réponses.
J’ai récemment entendu Noël Mamaire s’apitoyer sur le sort des habitants du Tiers-monde « exploité par les multinationales et « crevant » de faim » et, dans la foulée, reprocher aux entreprises françaises leur délocalisation. Puis, alors qu’un correspondant lui faisait remarquer que, face à une demande croissante de consommation et une démographie galopante, ce n’était pas le moment de renoncer à la croissance, au nucléaire ni même aux OGM, il soutenait que le monde pouvait sans difficultés nourrir une population de 12 milliards d’habitants pour peu que les « riches » se serrent enfin la ceinture et accueillent les affamés qui viendront compenser leur dénatalité. En passant, il faisait l’éloge du multiculturalisme, de la mixité sociale et du métissage. Des postures de régulation sociale qui, selon lui, allaient devoir être imposées car le libéralisme moribond ne renoncerait pas sans combattre à ses « privilèges »
J’avais l’impression d’entendre s’exprimer le « petit père des peuples » avant qu’il ne terrorise l’URSS d’une sanglante main de fer.
Revenons sur terre ! Pour que les pays pauvres de la planète sortent de leur sous-développement, il faudrait deux choses : un minimum de croissance et une très stricte régulation des naissances.
Et pour que les pays riches renoncent au développement quantitatif, au bénéfice du qualitatif, il faut qu’ils s’isolent au sein de leurs « bulles temporelles » sécurisées pour se consacrer à une évolution culturelle.
Ces bulles de « temps fractal » existent d’ailleurs déjà. L’écologie n’est finalement rien d’autre que cela. Chaque organisation de la matière, de la cellule à des entités plus complexes, porte en elle la structure locale et la structure d’ensemble.
La vision et la compréhension du monde fractal doivent pouvoir permettre l’émergence d’une nouvelle conscience mondiale. Au sein de ce creuset peuvent se lier, et relier, les pensées Occidentales, Européennes, Orientales, Asiatiques etc. afin d’y conjuguer trois dimensions : la connaissance, la raison et l’émotion.
Le développement séparé est un fait « naturel » mais la « forme » reste la même. Ne varie que la quantité d’énergie ou l’information disponible au sein des « bulles ». Le même modèle à des échelles différentes, ce qui ne veut pas dire qu’isolés, ces modèles ne soient pas en interactions. Bien au contraire, ils occupent le même espace-temps universel, mais comme les galaxies, ils poursuivent leur expansion au sein de leur bulle temporelle en communiquant et échangeant intensément, d’autant plus qu’ils s’éloignent les uns des autres.
Selon Joël de Rosnay, les sous systèmes sociaux ont des vitesses d’évolution différentes et des points se rassemblent pour coexister dans une même « tranche de présent ».
C’est la densité des informations, résultant de multiples interactions, qui densifie le temps. Les bulles temporelles coexistent à un moment donné, mais présentent des vitesses, des potentiels d’évolution différents. Il se développe en interne des processus d’auto-sélection et d’exclusion compétitive.
Des voies nouvelles sont à explorer comme celle que préconise Joël De Rosnay dans « l’homme symbiotique » qui propose de considérer l’information comme du temps potentiel et se demande si la vitesse perçue de l’écoulement du temps ne serait pas liée à celle de la production d’information.
A l’exemple de l’auto- organisation de la matière vers des systèmes de plus en plus complexes, l’homme crée un capital temps qu’il utilise au présent et capitalise pour les générations futures.
Il est clair, qu’en Afrique et en Europe, nous ne vivons plus, depuis longtemps, dans le même espace temps, et la fracture temporelle tend à se creuser. A chacun sa bulle, mais comme elles sont en interaction, ce qui n’arrange pas les choses, quoi qu’en disent les « égalitaristes », il devient très compliqué de détruire la pauvreté, de réduire l'analphabétisme, d’aider les « bulles » en crise à développer leur propre complexité, à trouver leur place dans le temps universel.
A l’échelle du monde, nous dit encore Joël de Rosnay, l’isolement des sociétés les plus développées, dans leur bulle temporaire de haute densité pose le problème de l’exclusion. La compétition entre bulles temporelles de densités différentes conduit à l’élimination de celles dont la densité est la plus faible.
Nous avons vu qu’il serait impossible d’éviter que ne se créent des fractures temporelles considérables entre sociétés qui s’éloignent ainsi les unes des autres et qui se développent dans des « univers » si différenciés.
Il faut donc l’accepter, et que les uns et les autres se fixent des objectifs différents et si possible complémentaires.
Nous sommes devant un problème, celui de la représentation, de l’interprétation du phénomène provoqué par les divergences temporelles des rythmes d’évolution qui provoquent : exclusion, compétition, violence.
Mais comprendre le phénomène, c’est déjà apporter une réponse à la crise écosystémique mondiale.
Les « peuples premiers », et ceux liés à des bulles temporelles de moindre densité, n’ont apparemment pas beaucoup de chance, certaines espèces, animales et végétales, non plus.
Ils trouvent des contraintes fortes dans le climat, la démographie et l’exclusion compétitive qui est liée aux processus d’énergie, d’information, d’alimentation, de finance, d’éducation, de connaissance, de socialisation et enfin de culture.
Un des problèmes fondamentaux de notre époque est cette disjonction formidable entre science, éthique et politique disait Edgar Morin. C’est ce qui doit changer.
Au sein des bulles temporelles les plus « avancées », c’est la « reliance » qui va devenir le mot clé du développement culturel des hommes, avec celui « d’écosystème » et de « complexité »
Développer ne signifie pas nécessairement suivre la voie que les Occidentaux ont tracé. Le fait culturel du XXIe siècle consistera à trouver rapidement les moyens de changer de cap avec l’aide de tous, mais chacun à sa place.
S’il y a développement, il sera avant tout culturel. Les nouvelles valeurs occidentales engloberont les valeurs judéo-chrétiennes et recevront les apports d’autres cultures en émergences une fois apaisées.
Cette évolution culturelle devra apprendre à s’approprier les idées et comportements d’autrui et dire pour quelle finalité telles idées et tels comportements peuvent être transmis et pas d’autres, si l’on veut orienter l’évolution humaine vers plus de responsabilité envers l’individu, le groupe et l’espèce humaine dans son environnement écologique.
Les comportements, bien plus que les gènes président désormais à la destinée humaine. Nous disposons, par conséquent, de la capacité d’inférer directement sur notre avenir en provisionnant du temps fractal.
L’évolution biotechnologique ne sera rapide qu’à l’échelle de quelques individus, la sélection naturelle n’opérant pratiquement plus. Ce sera largement suffisant pour « fabriquer » l’élite de demain en combinant évolution culturelle et biotechnologique et en utilisant le levier émotionnel.
Finalement et pour conclure, je dirai que la question est de savoir s’il sera possible d’ordonnancer le développement des « bulles temporelles ».
Le « grand secret » c’est la maîtrise des trois domaines qui composent ces bulles : l’énergie, l’information et le temps. Pour cela, il nous faut conjuguer, mixer, la connaissance, la raison, l’émotion en utilisant les trois formes de la communication : organisationnelle, pédagogique, thérapeutique.
Le monde de l’avenir sera culturel ou ne sera pas, qu’on se le dise !
Francis NERI
13 06 09