Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Méthode de l’analyse systémique

Ce qui apprend à apprendre c'est cela la méthode."

Nous avons besoin d'une méthode de connaissance qui traduise la complexité du réel, reconnaisse l'existence des êtres, approche le mystère des choses.

Edgar MORIN

Sortir de la crise écosystémique ?

La systémique, c'est la science de la régulation et du contrôle des systèmes. Réguler et contrôler un système humain (un individu) consiste à dire quel sera son avenir. Mais l'avenir n'est que l'éventail de futurs possibles qui sont animés par la convergence des interactions, des plans d'innombrables acteurs qui, dans la plupart des cas, estiment qu’il leur suffit de s’auto-réguler. Ils estiment que la régulation sociale actuelle suffit et qu’il n’est point besoin de l’accroître. Les libertés seraient suffisamment réduites comme cela sans y ajouter du « contrôle social » supplémentaire. 

Au niveau du groupe et de l’espèce humaine dans son ensemble, ça se complexifie encore. A trois ou quatre milliards d’individus c’était encore envisageable, faisable et éthiquement possible. Mais à prés de 7 milliards, cela devient beaucoup plus complexe, car il faut identifier les tendances lourdes, les risques de ruptures, analyser les comportements signifiants, repérer les continuités, les régularités. Et cela non plus au niveau du système[1] individu, mais à celui de l’humanité dans sa totalité.

Sans oublier les défis du passé auxquels les individus ont fait face ou pas.

Il appartient aux praticiens de l’analyse systémique, tentés pas l’aventure, de reconnaître la singularité et la complexité des nouveaux défis et de les assumer.

De la qualité de leurs réponses dépendra le succès de "l'opération" sortie de crise. Des paris sur le futur quoi !

Sur la méthode.

Il convient d’abord d’appréhender  la problématique, en reconstituant l’enchaînement des causes et des conséquences, autrement dit en replaçant les dominos dans le bon ordre de leur chute. Car chute il y a toujours. C’est, hélas, généralement à ce moment là que l’on dit : « attention problème ». Nous ne savons pas encore « pré agir » avant la chute des premiers dominos.

En reconstituant le réseau des interactions à l’aide d’un schéma heuristique[2] nous avons  la grille de lecture dont nous avons besoin.

Ensuite, il faut « modéliser » et mettre en oeuvre.

La carte ainsi établie n’a pas besoin d’être absolument conforme au territoire, c’est impossible. Le plus puissant des ordinateurs actuels ne peux reconstituer la réalité. Il faut donc choisir les objets ou évènements qui semblent le plus signifiant et c’est à ce niveau qu’interviennent notre empathie, notre intuition, notre instinct, nos émotions, nos déterminismes biologiques et sociaux

Il convient de complexifier un peu la chaîne causale des dominos en examinant comment la chute de l’un d’entre eux  provoque une accélération de la chute des autres dans une boucle de rétroaction positive de ceux-là sur ceux-ci.

Convenons d’abord qu’il existe un domino premier, celui « par qui le scandale arrive »

Celui là, il faut le repérer en premier et très vite. Dans le cas qui nous intéresse actuellement, je propose la crise des subprimes, la bulle immobilière qui éclate et éclabousse les alentours de ses métastases.

Je dis bien les alentours, car dans un ensemble dont les systèmes sont en interaction, les dominos ne sont pas alignés dans une même direction. Ils partent dans tous les sens et les rétroactions sont d’une complexité inouïe ; d’où la nécessité d’une méthode et d’une grille de lecture qui relie.

Je sais, les dominos sont incapables de rétroactions : ils tombent c’est tout ! Mais l’analogie est démonstrative et communément acceptée.

Une carte, c’est des axes, donc des choix à effectuer, des données à organiser. C’est aussi un stimulateur cérébral, l’expression de la complexité, une vision globale du champ d’application. Enfin, si une carte mentale n’est pas le territoire qu’elle représente, elle reflète le cartographe. Elle  libère le cerveau droit et permet de conjuguer les trois pôles de l’approche systémique : la raison, la connaissance, l’affectif.

La méthode.

Il est diverses méthodes d’analyses qui sont le plus couramment employés aujourd’hui. Pour ma part, je fais usage de trois ou quatre d’entre elles selon la complexité de la problématique.

La méthode analytique : Elle procède par décomposition du sujet. On décompose un ensemble en ses éléments constitutifs essentiels, afin d’en saisir les rapports et de donner un schéma général de l’ensemble.

La méthode dialectique : Il s’agit d’une démarche intellectuelle qui envisage toujours la chose et son contraire, avant d’en déduire une synthèse. De cette confrontation de points de vue, proches ou contradictoires, le chercheur est censé tirer des conclusions susceptibles de donner un aperçu général et complet du sujet. Autrement dit, une « synthèse » claire et objective impliquant une étude argumentée.

La méthode dialectique apparaît comme un art de construire une connaissance vraie et de présenter une étude fiable et non partisane, éloignées des opinions tranchées ou des prise de position radicales.      

La méthode expérimentale : Elle donne la priorité à l’expérience, en ce sens que toute conclusion doit résulter d’une expérimentation ou être validée par une expérience. On distingue 4 étapes : observation, classification, hypothèse, vérification (par des tests appropriés).

La méthode systémique : Elle consiste à considérer l’objet d’études comme un « système » c'est-à-dire comme un ensemble d’éléments complexes en relation de dépendance réciproque. Elle vise à schématiser cet ensemble afin d’aboutir à une modélisation qui permette d’agir sur lui. Le chercheur peut y recourir dés qu’il est possible de définir un système (objet d’étude structuré et limité)

La méthode systémique implique nécessairement d’abstraire (et non pas simplifier comme on le prétend trop souvent) un certain nombre d’éléments les plus signifiants que le chercheur ne doit pas perdre de vue pour ne pas tomber dans des généralisations abusives (conscience d’abstraire)[3]

Pour une meilleure fiabilité de la méthode systémique, il convient de varier les points de vue sur un même objet d’étude et combiner plusieurs approches pour mettre en évidence tous les aspects de la problématique posée.

L’analyse « classique » a pour objet principal de distinguer les éléments d’une situation, de les classer par ordre d’importance, de les étudier séparément et éventuellement d’apporter des solutions pour chacun de ses éléments.

La méthode systémique a pour objet d’étudier l’interaction des éléments entre eux et les conséquences de ses interactions  (rétroactions) sur l’ensemble du système.

Elle englobe les autres méthodes, sans jamais retrancher, rejeter, réduire pour définir. 

Elle assemble, articule et produit une pensée qui donne à comprendre le fond des choses dans ses largesses et usages. Cette méthode ne renonce pas, ne découpe pas, ne trie pas pour représenter. Elle autorise au contraire à entrer dans la globalité pour la voir et la décoder dans toute l'ampleur qu'elle offre. Elle disqualifie le spécialiste au profit d'un genre plus souple, plus ample qui articule ce qui est séparé et relie ce qui est disjoint : le nexialiste. Une méthode qui détecte les liaisons, attaches, articulations, solidarités, implications, imbrications, interdépendances, complexités.

L'exploration du système concerne son contexte, sa vitalité au travers de ses éléments, les relations entre ses éléments, aux cycles qui s'y fondent, aux énergies qui se produisent, s'utilisent, s'épuisent, aux changements qui s'y opèrent, aux ajustements qui se font pour conserver un équilibre, traduire une croissance, une rupture, une évolution, une mort. 

 C’est la méthode systémique qui est de plus en plus fréquemment choisie pour résoudre les problèmes de la « complexité[4] » et celui de la crise écosystémique en est un.

 

La crise écosystémique a démontrée notre impuissance à maîtriser, contrôler et élaborer des objectifs globaux aptes à rendre cohérent le fonctionnement d’ensemble de nos grands systèmes : sociaux, économiques, financiers, énergétiques, écologiques. Nous sommes tous victimes de ces insuffisances de régulation et de contrôle qui comme l’indiquait (1980) Jacques Lesourne dans son livre « les Systèmes » du destin, nous rendait incapables de surmonter ces grands défis. Il précisait que cette déficience se retrouvait au niveau de l’individu, des systèmes politiques, du système international.

Au niveau de l’individu, il notait que cette déficience avait pour origine les relations entre affectivité et facultés intellectuelles.

Une affectivité archaïque pleine de danger qui « oriente » l’utilisation de l’intelligence vers des aspects indifféremment agressifs, grégaires et altruistes, pouvant jeter une communauté contre une autre, y compris au nom des grands sentiments.

La rationalité individuelle s’en trouve grandement limitée.

 L’humanité se heurte donc contre le mur des limites physiques du globe en conjonction avec celles des individus et des groupes. La cause est bien celle de nos insuffisances de régulation et de contrôle. Et en particulier :

1) Nous sommes incapables de contrôler et de réguler notre démographie        

2) Nous sommes incapables de contrôler et de réguler notre croissance économique, industrielle, financière, nos consommations.

3) Nous sommes incapables de contrôler et de réguler notre production et notre consommation alimentaire, d’énergie et de matières premières.

4) Nous sommes incapables de contrôler et de réguler nos relations avec l’écosphère.

5) Nous sommes incapables de contrôler et de réguler notre communication, quelle soit politique, organisationnelle, pédagogique ou thérapeutique

6) Nous sommes incapables de réguler, de contrôler et de mettre en cohérence nos émotions, nos connaissances et notre raison.  

Dans un monde multipolaire et interdépendant, nous nous dirigeons tout droit vers une catastrophe planétaire.

Pour y faire face, il nous faut commencer par une interprétation du fonctionnement des sociétés humaine et en produire une vision d’ensemble, produire des scénarios et des modèles de « réparation », y compris virtuels.

La méthode d’analyse systémique tout en ne rejetant pas les précédentes qu’elle englobe me semble adaptée à ce défi pour lequel notre génération dispose de peu de temps avant que les inévitables « effets de seuil » ne vienne compromettre définitivement l’avenir de ceux qui nous suivrons. C’est dire notre responsabilité envers l’histoire.   

 

Voilà ce qui constitue la formulation de mon hypothèse.

 



[1] Système : Joël de Rosnay le caractérise comme un "ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d'un but" (Le Macroscope, 1975).  A titre d'exemple, une cellule, une famille, une entreprise, un village, un corps sont des systèmes. 

[2] Heuristique signifie l'art d'inventer, de faire des découvertes (Littré). L'usage d'une heuristique est pertinent pour calculer une solution approchée d'un problème et ainsi accélérer le processus de résolution exacte.

Un schéma heuristique est une représentation graphique d'un problème ou d'un concept utilisant des ramifications pour signifier les relations entre les idées. Il donne une vue d'ensemble d'une situation donnée.

 

[3] Abstraire: acquisition de la conscience d'abstraire : être conscient du fait que l'on opère une abstraction, c'est ne pas perdre de vue que l'on ne tient compte que d'une partie seulement des caractéristiques, celles que nous percevons plus aisément que d'autres, qui nous frappent particulièrement, qui sont sélectionnées en fonction de nos expériences ou connaissances antérieures, de nos goûts, de notre sensibilité, de nos préférences, de nos intérêts, etc. et que l'on en laisse d'autres de côté qui sont souvent des particularités propres à l'individualité de l'objet et qui, dans certains cas, peuvent avoir à jouer un rôle que nous n'avions pas soupçonné tout d'abord

[4] Complexité : Définition usuelle  Ce n'est pas tant la multiplicité des composants, ni même la diversité de leurs interrelations, qui caractérisent la complexité d'un système : tant qu'ils sont pratiquement et exhaustivement dénombrables on sera en présence d'un système compliqué (ou hypercompliqué), dont un dénombrement combinatoire pourrait permettre de décrire tous les comportements possibles (et par là de prédire son comportement effectif à chaque instant dès que la règle ou le programme qui les régit est connue) : en termes mathématico-informatiques on dit alors qu'on est en présence d'un "problème polynomial" ("P. Problem"). C'est l'imprévisibilité potentielle (non calculable a priori) des comportements de ce système, liée en particulier à la récursivité qui affecte le fonctionnement de ses composants ("en fonctionnant ils se transforment"), suscitant des phénomènes d'émergence certes intelligibles, mais non toujours prévisibles. Les comportements observés des systèmes vivants et des systèmes sociaux fournissent d'innombrables exemples de cette complexité. Pendant deux siècles, la science positive a semblé "baisser les bras" devant ces phénomènes, préférant ne vouloir connaître que le "scientifiquement prévisible" ou calculable, avant que G. Bachelard ne lui rappelle "son idéal de complexité" qui est de rendre le merveilleux intelligible sans le détruire. En introduisant le concept de "complexité organisée" en 1948, W. Weaver allait réouvrir de nouvelles voies à "l'intelligence de la complexité" que P. Valéry avait déjà définie comme "une intelligible imprévisibilité essentielle". Edgar Morin, à partir de 1977 ("La Méthode", T. I) établira le "Paradigme de la complexité" qui assure désormais le cadre conceptuel dans lequel peuvent se développer nos exercices de modélisation des phénomènes que nous percevons comme complexes  : une complexité à la fois organisée et, récursivement, organisante.

 

Commentaires

  • Merci Nina,

    Je suis heureux que tu t’intéresses à l'approche systémique; c'est l'avenir du monde...tel que nous le connaissons :-)))

    Bonne route

  • Bonjour et merci de nous donner encore d'autres éclairages pour une meilleure compréhension et un usage adapté de la méthode systémique.
    Je voudrais savoir les exigences de l'usage de la méthode systémique pour une étude sur la gestion de migration par une organisation internationale comme la CEDEAO ou la CEPGL. Car l'on puit considérer ces organisations comme des structures, ayant mis en place des conventions sur la libre circulation des personnes et des biens.

  • L’élément clé (le nœud ) principal qui relie « migration » c’est « intégration » vous avez là deux « items » sur lesquels travailler. Ajoutez en deux autres : contexte et sécuritaire.
    Etablissez le schéma des relations, des interactions et des rétroactions. Ensuite, dégager les émergences, modélisez …et mettez en œuvre !
    Bien à vous et …bonne chance, vous allez en avoir besoin !

  • J'avais lu plusieurs fois, et avec passion, le macroscope de Joel de Rosnay ainsi que la théorie générale des systèmes de Berthalanffy. Je suis aujourdhui libertarien. Le libertarien propose une explication des sciences politique et économique, et fondé sur un raisonnement de logique pure, lui-même fondé sur des postulats. C'est la démarche intellectuelle de l'école autrichienne d'économie. En un siècle, cette école de pensée à donné cinq Nobels d'économie, et fondé les mouvements libertariens.
    Je ne suis pas sur que l'approche systémique puisse enrichir l'analyse libertarienne de la politique ou de l'économie. Je me demande même si cette démarche systémique serait compatible avec les fondements des raisonnements libertariens. Mais je vais y réfléchir.

Les commentaires sont fermés.