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Eduquer les parents

Nous vivons décidément une drôle d’époque où il n’est même plus question d’employer le moindre mot sans que s’élève aussitôt une foule de mise en garde sur le sens qu’il faut y donner, sur les précautions d’emploi et sur l’impact qu’il va produire sur les « usagers ».
Je suis un adepte de la Sémantique Générale qui traite, pour simplifier, de la signification des mots et de leur impact sur le système nerveux humain, bref de la signification des significations.
Pour ceux que cela intéresse, ils en trouveront les développements auprès de son inventeur Alfred Korbsisky, dans la méthode d’analyse des pratiques qui en découle et qui a pour objectif la remise en question de nos représentations.
C’est la raison pour laquelle, et pour en revenir à la sémantique tout court, je voudrais m’arrêter un peu sur le mot éduquer qui, décidément, m’intéresse de plus en plus et pour cause, en tant qu’éducateur et formateur, je ne vois pas comment et pour quelles raisons il en serait autrement.
J’ai depuis longtemps remarqué que si vous employez le mot éduquer  tout seul dans son coin, vous obtenez un large consensus et même, un silence poli et respectueux. Là où les choses se compliquent c’est quand vous voulez rentrer dans les détails et dire qui vous avez la prétention d’éduquer, comment vous allez vous y prendre, quelles pédagogies vous allez employer,  quelles valeurs, quels contenus vous avez l’intention de promouvoir. Voulez vous transmettre des savoirs ou des compétences, vos programmes sont-ils conformes ou non à la culture de l’époque, au politiquement correct, aux programmes de l’Education Nationale.  Respectent-ils les chasses gardées des uns et des autres, les sensibilités culturelles, spirituelles, éthiques, morales etc. etc.
Bref, il semble de nos jours difficile d’obtenir un consensus sur le mot éduquer afin de permettre tout simplement de faire son travail d’éducateur, d’enseignant, d’arbitre de terrain de foot, de juge au tribunal d’instance, de policier, de soignant, de parent, d’aîné, d’élu, etc.
Il semble encore plus difficile d’obtenir que ces acteurs se  mettent d’accord sur un projet éducatif local cohérent et mutualiste qui intègre les attentes et les représentations des uns et des autres et surtout qui soit utile au plus grand nombre.
J’ai encore vécu tout récemment une telle difficulté au cours d’une réunion qui portait sur la parentalité, l’absentéisme et autres contingences sur lesquelles, éducateurs et formateurs, nous sommes en permanence confrontés.
Certains d’entre nous ont employé l’expression « éduquer les parents ». Mal leur en prit, car de nos jours, les parents ne s’éduquent pas, ils sont considérés comme éduqués. Ne sont-ils pas sortis du système scolaire ? Et puis, qui aurait la prétention de les éduquer, les éducateurs de rue, les Centre Sociaux Culturels, les aînés, les parents entre parents, les jeunes ne peuvent ils éduquer leurs  parents ?
Non franchement envisager d’éduquer des parents n’est pas raisonnable, tout au plus peut-on aménager l’environnement pour leur permettre de prendre conscience des droits et des devoirs…des droits surtout ! De les sensibiliser par des animations aux alentours des écoles sur les dangers de la circulation routière, organiser des séminaires et des journées d’études sur la parentalité, etc.
Avant d’entreprendre quelque chose, mieux vaut d’ailleurs, se mettre autour d’une table et  réfléchir à tout çà . Surtout ne pas se précipiter car le problème est vaste, complexe, sensible. Il convient de réaliser des diagnostics, d’étudier le terrain, de rassembler des compétences, de s’appuyer sur des réseaux, d’élaborer des projets etc.
Bien, bien, tout cela me paraît sensé, pesé et mesuré, pragmatique même. Je dirai pourtant  que j’entend ce discours depuis un certain  nombre d’années et que quantité de « dispositifs » par exemple le Contrat Educatif Local ou le Contrat Local de Sécurité, le Contrat de Ville et bien d’autres avaient, et je crois ont toujours, des objectifs identiques.
Il semblerait pourtant que certaines collectivités locales, s’intéressent  à un Projet Territorial pour la Jeunesse qui a pour caractéristique le partenariat, la mutualisation des moyens, dans le domaine de l’animation et la "sensibilisation" des parents. Et puis il y a le "plan de cohésion sociale"
 Reste que  je me pose des questions  sur le mot éduquer, sur la représentation que je m’en fait et … sur le temps qui passe, sur les problèmes qui s’accumulent et sont de plus en plus difficiles à résoudre.
Voulez vous connaître le résultat de mes cogitations ? C’est simple, je me demande s’il ne faut pas commencer par éduquer ou ré-éduquer les éducateurs, à commencer par moi-même, car je me fais l’impression d’être devenu un dinosaure de l’éducation !

Francis NERI
Octobre 2005

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