Crise de régime
Oui la gente médiatique courtisane et bêlante appelle ce livre un « torchon » = la courtisane sans statut, mais pas sans cœur ni cervelle se venge d'avoir été répudiée comme une hétaïre de la cour du Sultan de Turquie. « Elle affaiblit la fonction présidentielle », se plaignent d'une seule voix les hypocrites bramant en cœur, mais qui ne voient pas que le Roi est Nu. Hollande, obligé - c'est un comble quand on pense à la noblesse prestigieuse du Connétable - d'intervenir sur ce sujet intime depuis le sommet de l’OTAN, l'a rappelé lui-même : il « faut respecter la charge ». Comme si le profond mépris exprimé à l'égard d'une femme mise en scène lors du scrutin de 2012, propulsée sous les feux de l'actualité présidentielle, traînée dans certains voyages officiels, puis ensuite rejetée comme un mouchoir usé, n'avait aucune importance, ni pour elle ni pour le statut des femmes dont la classe au pouvoir ne cesse de se gargariser, ni enfin pour la fonction. Comme si le fait de se balader en scooter la nuit pour aller voir sa « copine » n'avait pas d'incidence sur la majesté présidentielle que Monsieur le « président normal » voudrait préserver. On pensera ce qu'on veut de Valérie : qu'elle fut très chiante, qu'elle ne savait pas rester à sa place, qu'elle s'est vengée, qu'elle a trahi, qu'elle manque de dignité, qu'elle est gouvernée par son égoïsme. Mais de grâce ne confondons pas l'effet et la cause. La fonction présidentielle est gravement affaiblie par le comportement décalé et irresponsable de ceux qui sont propulsés à ces hauteurs glacés par une constitution « héroïque », multiplicatrice des égos, dont on voit bien qu'elle n'est plus adaptée au temps, aux hommes et aux vicissitudes médiatico-démagogiques du 21ième siècle. La raison essentielle en est que les tripatouillages de notre Loi Fondamentale par la longue succession des "magouilles" politiques depuis les trois cohabitations, jusqu'à la réduction du mandat présidentiel à 5 ans pour supprimer la perspective inconfortable d'une dichotomie entre les majorité présidentielle et législative, ont détruit l'essence même de la 5ième république aujourd'hui vidée de sa vertu primordiale : une relation particulière et directe du Président, clé de voute de l'exécutif, avec le peuple et par-dessus les partis.
Au-delà des tribulations de Valérie, c'est cela qui est en cause. Certes une popularité gravement défaillante dans les sondages n'oblige pas le président à démissionner, mais dans l'esprit de la 5ième, elle doit conduire à s'interroger sur l'aptitude d'un homme à mettre en œuvre les réformes nécessaires avec une aussi faible adhésion populaire. Enfin la jurisprudence gaullienne imposerait à l'hôte de l'Elysée à au moins vérifier par référendum la force du lien qui le rattache au peuple par dessus les Partis.
Lors de son discours du 24 mai 1968, Charles de Gaulle avait lancé une phrase que l’actuel président ferait bien de méditer s’il veut continuer à gouverner vêtu du costume trop grand pour lui de la constitution de la 5ième République : « J'ai besoin que le peuple français dise qu'il le veut ». On ne saurait mieux dire. Et plus loin : « Françaises, Français, au mois de juin, vous vous prononcerez par un vote. Au cas où votre réponse serait "non", il va de soi que je n'assumerais pas plus longtemps ma fonction ; si, par un "oui" massif, vous m'exprimez votre confiance, j'entreprendrai, avec les pouvoirs publics et, je l'espère, le concours de tous ceux qui veulent servir l'intérêt commun, de faire changer, partout où il le faut, des structures étroites et périmées, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France ».
Nous y sommes. Comme plus aucun homme politique moderne ne serait capable d’un tel rétablissement populaire, ni d’ailleurs de tirer les conséquences d’un désaveu comme l’avait fait De Gaulle en 1969, non pas que les « héros » auraient disparu et qu’il n’y aurait plus de patriotes ayant du caractère, mais tout simplement parce que les temps ont changé la nature de la relation entre le pouvoir et les peuples devenus, à la faveur des nouvelles technologies de l’information, plus sceptiques, plus rebelles, plus angoissés aussi, peut-être plus responsables et plus conscients, il faut se rendre à l’évidence : nous sommes en crise de régime.
ROGER