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Le systémicien - Page 467

  • Faut-il respecter la différence ?

    La différence flagrante que l’on observe entre l’adolescent à risque et la majorité des jeunes qui s’adaptent plutôt bien aux contraintes et problématiques sociétales résulte t-il de leur statut et de leur rôle au sein de notre monde d’adultes ?

    Alors que les premiers évoluent le plus souvent au sein de cités, que les bonnes âmes pétries de bonnes intentions et de certitudes psychanalytiques bien arrêtées qualifient d’infernales ; qu’ils sont, toujours selon les mêmes, les victimes d’exclusion, de racisme, des conditions épouvantables que leur font la mondialisation libérale, les médias, la société de consommation, la police, les CRS, l’école, les riches des beaux quartiers, les « blancs » et plus généralement l’Institution, les seconds sont supposés bénéficier tout naturellement de la complaisance que leur procure leur position sociale ou celle de leurs parents. Ils n’ont donc que peu d’intérêt, l’adaptation sociale n’a pas d’histoire !

    Certes, la vie de nos jeunes des banlieues n’est pas rose, ils sont pour la plupart issus d’une immigration qui revendique de plus en plus sa différence et supporte de moins en moins les frustrations générées par les adaptations comportementales nécessaire à une bonne intégration, dans  un pays qui lui, revendique de plus en plus, et enfin, ses appartenances, sa culture et ses origines.

    La charge émotionnelle pèse de plus en plus fort entre ces communautés que plus rien ne semble vouloir rapprocher. Tout incident risque à présent de dégénérer en crise ouverte et en affrontements intercommunautaires.

    En effet, dans une  société où les plus jeunes ne sont plus des héritiers, car les adultes s’exonèrent de leurs devoirs de transmission de valeurs, de savoirs, de connaissance et de compétences, dans une société où des trois pôles de l’éducation que sont la famille, l’école et le social, il ne reste que la rue qui, le plus souvent, ne propose plus que des contre cultures et rejette les pôles traditionnels qui s’effondrent sans résistance aucune.

    Faut-il, et comment, combler les attentes conscientes et inconscientes de ces populations à risques, jeunes et moins jeunes  qui n’ont trop souvent qu’une lointaine perception de ce qui pourrait ressembler à la recherche d’un emploi et d’un logement, de fonder une famille et d’envisager un vivre ensemble apaisé ?

    Si l’on en croit la plupart de nos éminents psychiatres et autres psychanalystes, il n’y a que l’approche clinique, c'est-à-dire les soins du psychisme, avec éventuellement une forte dose de pharmacologie, qui puisse résoudre les malaises sociaux. Oser parler de vouloir intervenir sur les comportements antisociaux et vouloir les réguler vous met instantanément au ban de la « bien-pensance »  et soulève immédiatement l’indignation de ce monde savant qui met en scène la clinique éducative et sociale.

    Point n’est besoin pourtant d’être grand clerc pour constater que depuis une trentaine d’années cette approche est un échec dans le contexte général d’absence totale de « culture sociale commune ».

    La théorie psychanalytique contrarie le plus souvent le projet social et éducatif et, le drame, c’est que les éducateurs eux-mêmes, cherchant des réponses à leur angoisses, acceptent comme argent comptant cette incitation à l’impuissance de l’agir. Celle-ci  débouche alors sur une inefficacité que les pouvoirs publics ne sont plus en mesure d’accepter, compte tenu des coûts considérables qu’elle génère.

    L’humain disparaît progressivement dans les discours savants de la psychanalyse qui n’a qu’incompréhension devant les conditions matérielles de la pratique sociale et les conditions subjectives d’engagement des acteurs.

    Enfin, si l’on parle beaucoup d’une approche psychanalytique des malaises sociaux, les immenses progrès des sciences cognitives (neurosciences) qui ont trait à notre cerveau en tant qu’ensemble biologique déterminant également nos comportements, sont rejetés par la plupart de ces doctes savants. Un exemple récent en fait foi.  A Strasbourg lors du Congrès Européen Sciences de l’Homme et Sociétés, en aucun moment il n’a été question des déterminismes biologiques qui interviennent dans le comportement des individus en situation sociale. Je n’y ai d’ailleurs trouvé aucun des ouvrages qui y font généralement référence.

    Les intervenants sociaux, en recherche d'enrichissement de leur pratique, peuvent partir sereins, la psychanalyse est bien la seule voie possible pour prévenir et remédier aux troubles sociaux actuels, il est vrai qu’au delà il reste la bonne vielle répression, les CRS et les matraques, cela même que nos intellectuels bien pensants reprochent à l’Institution.

    Allez parler du respect de la différence après çà ! Du courage, chers éducateurs !     

    Francis NERI

    18 décembre 2005      

  • Prévenir les comportements à risque

    Il serait vain de se leurrer plus longtemps. Le véritable problème posé par les comportements à risque, en particulier ayant trait aux adolescents, est celui de l’appartenance culturelle.  Il faut bien constater, en effet, que « nos jeunes » n’appartiennent plus à personne et  encore moins à eux même.

    Traditionnellement, l’appartenance  a trois pôles :

    • la famille, qui alimente les vecteurs biologiques, de mémoire, et qui donne du sens au quotidien,
    • les circuits de socialisation et les structures institutionnelles.
    • l’école qui enseigne et éduque

    Les trois circuits, familial, social et scolaire interagissent, et c’est cette  interaction qui structure un individu.
    Quand un enfant est privé de ces structures de socialisation ou est conditionné par des structures culturelles en opposition à celles de son environnement, il se retrouve rapidement hors société, privé de ces tuteurs qui devraient étayer son sentiment d’appartenance. C’est alors qu ‘il se trouve en marge des circuits de socialisation et se re-trouve souvent rejeté par les institutions qui ne le reconnaissent pas comme l’un des leurs. Le hasard de ces individus sans appartenance les livre le plus souvent à la merci de « gourous » spirituels ou idéologiques qui donnent un sens de substitution et de pacotille à leur existence.
    Quant on ne sait pas d’où l’on vient et où l’on va, il est impossible de s’inscrire, sans de grandes souffrances et difficultés pour les autres et pour soi même, dans un circuit d’appartenance.
    Les contre-sens culturels . C’est particulièrement vrai pour nos enfants issus d’une culture « rapportée », en particulier maghrébine, qui n’ont souvent pas d’autres choix que l’appartenance groupale qu’ils ont sous la main et qui est faite de fragilité émotionnelle, de troubles relationnels, de délinquance, de contre-sens culturels conduisant à la marginalisation, à l’exclusion, aux intégrismes, et à la révolte. Celle-ci sera bien évidemment réprimée de plus en plus vigoureusement par l’Institution qui n’exprime pas les mêmes valeurs culturelles.
    Les contraintes sociétales. La société a toujours généré un nombre restreint d’individus atypiques, souvent parfaitement intégrés, après avoir passé et dépassé une crise adolescente, même prolongée. Certains se sont  révélés être des découvreurs de singularités sources d’évolutions sociales décisives. Il suffit de penser à J.J. Rousseau et son œuvre : « le Contrat Social » pour s’en convaincre.
    Le problème que nous vivons actuellement est la conséquence de la rencontre de trois facteurs endogènes.

    • Le premier réside dans l’absence d’acculturation des populations immigrées souvent dans l’impossibilité de transmettre à leurs enfants autre chose que leur culture d’origine. Ces derniers, dans leur grande majorité, s’empressent  de la remettre en cause afin de s’adapter autant que possible, consciemment ou non, à la culture du pays d’accueil.
    • Le second tient dans le renoncement du pays d’accueil à promouvoir les valeurs et la culture qui  ont structurés les générations précédentes, faisant peu de cas de son héritage culturel, social, spirituel etc.
    • Le dernier, enfin, se situe au niveau de l’incroyable et persistant sentiment de culpabilité des pays occidentaux, en particulier en Europe, et qui tient essentiellement à leur passé colonial, leur réussite économique et leur dominance culturelle.

    Le choc des cultures. Les points de friction se situent essentiellement sur les concepts de démocratie, de laïcité, de spiritualité, d’humanisme, de liberté individuelle et de libéralisme. Le brouillard dans lequel nous avançons  nous cache encore, mais pour combien de temps, les effroyables lignes de fractures culturelles que nous connaissons et nous ne comprenons pas encore combien elles sont mortelles.  Les fractures économiques ne sont rien à côté d’elles, car l’économie n’est rien d’autre qu’une conséquence, la conséquence d’un projet de société. Pour qu’un projet intégrant l’économique, le social et le culturel émerge, il nous faut un consensus social qui est bien loin d’être acquis, car le « Contrat Social » actuel est devenu insuffisant et doit être complété par deux volets supplémentaires, le contrat économique et surtout le plus urgent, le contrat culturel.

    Le fameux choc des civilisations ne serait-il finalement qu’une violente mise en cohérence culturelle faite de valeurs à ajuster, à rendre universelles ?

    De nos jours, il semble encore difficile de rapprocher contrat et culture, cela tient en particulier aux tensions entre les différentes religions qui tentent bien, mais sans grand succès, d’élaborer des projets œcuméniques. Il est donc difficile de concilier particularité et universalisme.
    La dimension européenne. C’est pourtant le défi impossible auquel il faut à présent s’atteler, sinon nous verrons échouer systématiquement nos projets politiques, et en particulier le projet européen.
    La culture est en perpétuel changement. Cela suppose, dans un objectif de cohérence et de stabilité, de donner tout son sens à la laïcité, au droit d’être égaux et différents, c’est-à-dire de reconnaître que la loi, les coutumes et les croyances sont séparées, mais aussi que l’économie libérale ne peut être libérée du lien social sans lequel elle deviendrait vite impossible.
    Nous voyons, à présent, comment à partir d’une problématique « comportements à risque » nous parvenons très vite à traiter à la fois du général et du  particulier, du simple et du complexe.
    C’est à cela que nous devons nous habituer et y sensibiliser nos concitoyens. Socialement, rien n’est simple, rien ne relève de l’individuel, mais l’individuel est essentiel au collectif.
    Enfin, nous dirons que, comme Candide à Waterloo, nous vivons en direct une des plus grande fracture culturelle de notre histoire. La nouveauté, c’est que notre conscience occidentale, et européenne en particulier, se refuse désormais à la réduire par la violence, ce qui fait, bien entendu, l’affaire de ses ennemis qui n’obéissent pas à ces freins éthiques.
    Un vaste chantier nous attend, car si nous refusons d’employer la violence pour promouvoir et défendre nos valeurs et notre culture, il ne nous reste que le chemin de l’éducation,  de la socialisation et  celui de la remédiation pour les irréductibles.
    Sans plus tarder, il nous faut développer et mettre en œuvre massivement des formations aux pratiques sociales et comportementales dirigées en priorité vers nos enfants et leur famille, après avoir sensibilisé, et formé nos éducateurs et nos formateurs à la nécessité de promouvoir sans faiblesse les valeurs universelles dans lesquelles notre groupe social d ‘appartenance se reconnaît.

    Francis NERI
    3 septembre 2004

  • La discrimination

    Les violences urbaines font que de nombreux penseurs, sociologues, hommes politiques se penchent avec sollicitude sur la discrimination, à l’embauche, en particulier.
    La discrimination se situe au carrefour d'un faisceau de représentations, de préjugés, de fantasmes et d'habitudes.
    La lutte contre les discriminations passe par la modification des comportements des acteurs sociaux et ce par une sensibilisation, une éducation  aux méfaits de la discrimination et aux  bienfaits de l'intégration, de l’insertion et de l’assimilation.
    Les véritables freins à ces trois pôles de la socialisation sont d’une part, le chômage massif, et d’autre part l’immigration qui déborde largement nos capacités d’accueil.
    Chaque intégration, insertion ou assimilation réussie provoque un appel d’air par le biais du regroupement familial, de l’immigration clandestine « régularisée » ou pas et par bien d’autres méthodes  que les passeurs et employeurs de clandestins connaissent bien.  
    Le modèle social français basé sur le fameux ascenseur social devait son succès au 30 glorieuses et à l’expansion économique.
    Les chocs pétroliers successifs ont mis fin à l’expansion économique, et l’explosion démographique mondiale  au modèle social français d’intégration.
    Ce n’est pas un hasard si les pouvoirs publics serrent la vis des associations et demandent des comptes quant à l’efficacité des actions engagées, en particulier par les mouvements d’éducation populaire qui semblent fonctionner, comme au temps de leur fondation, sur le modèle du toujours plus de subventions, pour une efficacité qui ressemble de plus en plus au fameux tonneau des danaïdes. Comment d’ailleurs pourraient-ils y répondre devant l’expansion incontrôlée de la demande ?
    Le tonneau de l’intégration, de l’insertion et de l’assimilation ne se remplira pas si l’on ne trouve pas des réponses à l’emploi, au logement, à la cellule familiale retrouvée, à un cadre de vie acceptable dans nos cités, à un vivre ensemble apaisé et enfin à trouver une réponse à l’immigration basée sur l’idée qu’il faut non pas accueillir tous les miséreux du monde, mais les aider sur place à faire face à leurs problèmes.
    Dans le cas contraire, je ne crains pas de dire que les violences urbaines que nous avons connues ne sont qu’un faible avant-goût de ce que nous allons connaître.
    Il n’est jamais trop tard pour agir, en particulier pour éduquer, former, socialiser et cela bien évidement est de notre ressort, c’est donc par là qu’il faut commencer (ou recommencer). Le reste, l’emploi par exemple ne dépend pas que de nous, mondialisation oblige, mais un peuple éduqué, uni et rassemblé peut parvenir à trouver sa place et ouvrir des horizons à ses concitoyens pourvu qu’ils se rassemblent au sein d’un projet qui leur ressemble.

    NERI Francis
    Educateur et Formateur
    Président de l’Institut Européen de Socialisation et d’Education
    Strasbourg le 20 11 05