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complexité - Page 7

  • A notre ami Bertrand

    Dans un mail personnel qu’il adresse aux signataires du dernier post : « Quelques questions », notre ami Bertrand, manifeste son pessimisme, non sans raisons en fait, mais ce qui est dommageable sans propositions alternatives.  

    Un peu comme Stéphane Hessel, Bertrand s’indigne, semble résigné, même s’il révèle et souligne des vrais problèmes et des comportements de fuite devant les réalités.

    Mais  ce chemin bien trop, et souvent, mal fréquenté et en tout cas nettement démobilisateur. 

    Car pour nombre de nos semblables,  la cause serait entendu : nous avons perdu la « guerre », plus rien à faire, l’alliance du grand patronat, de sa mondialisation libérale et de l’islamisation du monde à gagné : résignions nous ! Tout au plus pourrions nous encore fuir s’il en est encore temps et d’ailleurs pour aller où ? Surtout en déambulateur !

    Alors sommes nous trop optimistes, résignés ou trop vieux, comme semble le penser Bertrand ? Y croyons nous encore, sommes prêts à jeter nos dernières forces dans la bataille ou serions nous de vieux crocodiles, frustrés d’avoir raté le coche de la révolte et du changement au moment où il était encore possible ?

    Oui certainement, au sens littéral du terme. Et nous sommes responsables d’avoir accepté l’illusion que rien véritablement ne nous atteindrait. Mirage  qui nous était particulièrement bien vendu.

    Pourtant, nous portons sur le monde un regard sans concessions et nous percevons les réalités avec autant de lucidité, de raison, d’émotion et de connaissance que d’autres « spécialistes médiatisés » et distingués, qui ne voient que le maintien de leurs privilèges et leurs intérêts de classes.   

    Entre Bertrand, ceux qui pensent comme lui et nous, la différence réside dans le fait que nous avons gardé l’espérance, celle du plus qui est en nous, et que nous tachons de faire partager, avec nos objectifs de changement, et j’aime bien la position de Charles d’Alger qui nous dit : Venez mes amis nous avons perdu la force qui nous faisait soulever les montagnes, mais en nous reste ce désir qui nous pousse de son épée dans le dos.  Et ce désir nous dit encore: « Vas avance, tu peux encore servir à quelque chose. Nous ne voulons pas vivre comme Fabrice à Waterloo et cultiver notre jardin pendant que le monde s’écroule ».   

    Nous aimons la France, la vie, le plaisir, la beauté, la jeunesse.

    Nous aimons la jupe et pas la burka.

    La liberté de penser et pas l’enfermement idéologique ou cultuel.

    Notre région et pas un lointain hostile.

    Etc…

    Ceux qui ne veulent pas voir ne verront pas. Et, comme disait Saint Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ».  Une mise au point s’impose, chacun interprète.

    Le cerveau est le chef d'orchestre. Il analyse les informations recueillies par nos sens. Cet organe superviseur a le dernier mot.

    Mon cher Bertrand, la guerre ne sera pas que médiatique, plus personne ne peut le nier depuis les engagements en Tunisie, Egypte etc…c'est plus complexe.

    Il s'agit d'une bataille ininterrompue entre l'intellect et l'affect. Entre la sphère du rationnel, de la connaissance et celle, au pouvoir court-circuitant, de l’affectif, des émotions. Avec pour champs de bataille étroit, notre calotte crânienne. Le reste n’est que choix politique, rien n’est, selon moi, déterminé.

    Voilà qui explique peut-être pourquoi tout semble concourir à ce que certains peuples deviennent et deviendront de plus en plus incultes, et donc manipulables par des idéologies suicidaires. Tu connais bien toi, ce qui ressort de la désinformation et de la manipulation et, tu dois nous aider à ne pas tomber dans leurs pièges.

    Globalement, y compris en Occident, nos capacités à raisonner s’amenuisent, les outils qui orientent nos choix s’érodent. En fin de compte, c’est notre liberté objective qui s’effondre.

    Bref, nous ne pouvons convaincre quelqu’un d’une réalité dont il refuse l’existence, ou d’un fait qu’il enveloppe sous un éclairage disparate.

    Les islamistes en sont le parfait exemple, mais hélas ils ne sont pas les seuls. Cela concerne un noyau dur, dont les choix, les opinions, les idées sont soumises en haut lieu par des afflux soudain d’adrénaline. Suivant un processus conforme aux expériences de Pavlov. Ensuite il y a l’instinct grégaire, ce qui nous fait dire que des islamistes radicaux en petit nombre peuvent mobiliser l’ensemble du monde musulman pour les conduire au djihad. Alors serions nous capables d’en faire autant, nous aussi, pouvons nous rassembler et mobiliser ?

    Poniatowski ministre de l’intérieur et ami de VGE, ce qui n’est pas une référence, lui disait à juste titre : «  L’histoire a peu ou pas de sens, une poignée d’homme, pourvu qu’ils le veuillent peut la déterminer ».

    Avant toute chose il faut considérer la fin. Pourtant, la composante systémique d’un évènement, d’un risque, n’est que rarement prise en compte.

    Il suffit d’un contexte favorable, d’un bruissement d’ailes de papillon, d’une occasion, d’un individu capable de s’emparer de ce qui flotte confusément dans l’atmosphère d’une époque et, par la magie de son talent ou de son art, conduire le peuple à le suivre vers l’aventure, vers l’idée qu’il se fait de l’avenir à construire.  

    Cette poignée d’hommes existe-t-elle quelque part ? Voila l’essentiel de notre question, et pas la possibilité d’une guerre civile parfaitement évitable.

    Est elle en mesure de relier entre elles et mettre en cohérence, la connaissance, la raison, les émotions ? Eviter que  la victoire de l’une d’entre elles sur les deux autres n’ait, comme toujours, quelque chose d’amer ?

    Dans une optique de récupération et de reconstruction, le peuple ne réclame pas des dirigeants parfaits, mais il les  veut exemplaires, c'est-à-dire capables d’être fidèles à leurs convictions et de mettre en adéquation leurs discours et leurs actes. 

    Le déni du réel c’est l’opinion publique et l’opinion médiatique ; le divorce entre le peuple et  les médias, la fracture entre les citoyens et ceux qui les gouvernent.

    Le pire, c’est les « illusions perdues »,  comme en Espagne. Une contestation qui ne débouche encore sur rien, car il n’y aurait encore rien à se mettre sous la dent. Et je suis d’accord avec Bertrand quand il affirme que les Européens et en particulier les Français sont encore loin d’avoir touché le fond …du désespoir, donc pas prêts pour la rébellion, la guerre civile, car ils n’auraient pas encore subis toutes ces choses désagréables qui font se lever un peuple.

    Le tout est de les mobiliser bien avant qu’ils commencent à s’étriper afin de faire de la « prévention » en quelque sorte. Pour cela, nous ne faisons pas confiance à l’équipe actuelle qui est aux commandes de la France, c’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut commencer par s’en débarrasser, ensuite la tache sera plus aisée. 

    Au delà, il y a le glaive : « S’il est permis sur terre l’emploi du glaive pour réprimer la malice des méchants, si pour la protection du peuple, il faut instituer un nouvel ordre de « chevalerie », il faut disposer son cœur au bien afin que son utilisateur n’en use jamais pour léser injustement personne ». 

    Pour l’instant nous ne voyons qu’une seule équipe qui, pour nous, pose les  bonnes questions et fait les bonnes propositions, en plus elle n’est pas plombée par 40 ans d’un pouvoir désastreux, c’est celle de Marine. 

    A un moment il faudra choisir son camp, et le faire pour celui qui nous propose le verre au moins à moitié plein de nos propres désirs. Ce moment est proche. Il est des moments ou l’histoire bascule, ou il faut choisir le « bon » chemin et ceux qui ouvriront la voie avec  nous. 

    Bonne chance à la France et aux Français 

    Francis NERI 

     

  • Les trois concepts

    Jacques, un internaute attentif, analyse avec pertinence et sous un angle très différent du mien les trois concepts de bases d'E.Morin sur la complexité. Ma foi je partage entièrement l'idée que « rapprocher les faits, les idées, les éléments c'est possible, les voir dans leur complexité et leurs rapports c'est autre chose ». Le nœud du problème quoi !

    Je dirais que nous touchons à l'idée même de complexité (l'histoire du papillon). Alors espérons qu'un jour lointain, peut-être par quelque manipulation génétique ou la cruelle nécessité, nous passions enfin « d'une société humaine à une société de cerveaux réfléchis », c'est-à-dire capables d'appréhender une part toujours plus grande de complexité.

    Mais je vous laisse apprécier !

    Francis NERI

    §

    " Ses idées forces sont les suivantes selon André Burguière :

    . L'imaginaire de la culture populaire socialise les désirs et les peurs.
    . La pensée sépare et oppose les phénomènes, alors qu'elle devrait les rapprocher et les envisager dans leur complexité.

    . La mondialisation est porteuse d'une conscience mondiale.

    Je suis d'accord avec ces trois concepts. "

    Ce qu'en pense Jacques !

    Ces prétendus concepts me paraissent abscons.

    C'est quoi l'imaginaire de la culture populaire ? C'est conscient, subconscient, inconscient ?

    C'est quoi une culture  populaire ?

    C'est quoi la socialisation des désirs (lesquels), une voiture par personne ? et des peurs ? la panique ? peurs de quoi ?

    La pensée analyse les données (voir Descartes), elle sait faire des croisements, synthèses, des conclusions partielles. Quoi d'autre ? Rapprocher les faits, les idées, les éléments,  c'est possible, les voir dans leur complexité et leurs rapports, c'est autre chose?

    La pensée est isolée, avance par tâtonnements, par essais et erreurs, elle ne trouve jamais la bonne solution du premier coup.  La pensée humaine est individuelle, la foule est reptilienne (Laborit).

    La pensée holiste est le lot d'un cerveau collectif oméga de Teilhard. L'humanité fait le contraire et pousse à l'individualisme et à l'anarchie plus qu'à la hiérarchie aussi suspecte que l'autorité.

    Mais l'holarchie ne se décrète pas. Les essais d'autarcie dans le Larzac par les 68tards ont tous échoué.

    La mondialisation s'arrêtera peut-être aux continents et leurs conflits seront pires qu'entre états.

    La seule structure humaine capable d'intégrer les individus et les familles est la tribu ou le village de moins de 400 têtes, hommes, femmes et enfants, capable d'intégrer même ses psychotiques. Au-delà, la bête féroce fait surface. La conscience mondiale est un mot si ce n'est pas le cerveau collectif, l'organisme collectif dont les cerveaux sont les neurones. On sait ce qu'est une société d'insectes. Le passage d'une société humaine à une une société de cerveaux à pensée réfléchie serait un saut aussi important que celui de la conscience directe à la conscience réfléchie, de  l'unicellulaire au pluricellulaire.

    Une démocratie à l'échelle mondiale sera comme la démocratie forcée en Irak, que des votes communautaires. On n'a pas besoin de voter, les compter suffit.

    Teilhard croyait que le communisme était une marche vers  le cerveau collectif ! On fait la même erreur avec la mondialisation. Le choix est entre le Grand Frère ou la guerre de tous contre tous.

    Ave.

    JCA

    J.Costagliola.over-blog.com

    PS : Il est très possible que les Oumittes aient atteint le niveau d'organisation du superorganisme. Cela expliquerait qu'ils acceptent sans problème la main de fer des tétrarques et de l'Ordinateur Central.


    Une hiérarchie est composée de niveaux. Les éléments d'un niveau ont une valeur supérieure à ceux des niveaux situés en dessous et un rôle dominant par rapport à eux.
    Une holarchie est composée de holons organisés en niveaux. Un holon est quelque chose qui est un tout à un certain niveau et une partie au niveau situé au-dessus.

    Ken Wilber - Wikipédia

     

     

     

  • E. Morin et la complexité

    Je viens de lire un article d' André Burguière sur E.MORIN dont je partage certaines idées qui traitent de « complexité ». Je regrette toutefois que le Président Nicolas Sarkozy ait cru bon de le recevoir et de lui donner une audience médiatique qu'à mon humble avis, il ne mérite pas.

    Ses idées forces sont les suivantes selon André Burguière :

    . L'imaginaire de la culture populaire socialise les désirs et les peurs.
    . La pensée sépare et oppose les phénomènes, alors qu'elle devrait les rapprocher et les envisager dans leur complexité.
    . La mondialisation est porteuse d'une conscience mondiale.

    Je suis d'accord avec ces trois concepts. Ce sont les interprétations et applications des lois de la complexité, que donne E Morin, qui sont contestables car elles sont le reflet de ses déterminismes marxistes.

    E. Morin est un indécrottable trotskiste :"Le socialisme ou la barbarie.». Il est passé, comme bien d'autres déçus par l'effondrement de l'URSS, dans le camp des islamos-gauchistes dont il loue la « singularité ». Il est d'ailleurs encensé par les islamosfascites qui reconnaissent en lui un maître à penser.

    Paradoxalement, ses attitudes et son comportement illustrent bien, tout au long de sa vie, cette incapacité à remettre en cause les déterminismes biologiques et sociaux qu'il dénonce.

    E. Morin est en fait prisonnier de son passé qu'il projette dans un futur onirique que seuls quelques dinosaures « penseurs » comme Jacques Derrida, Pierre Bourdieu, Jean-Luc Nancy, Pierre Legendre, Amartya Sen, Noam Chomsky, Alain Badiou, proposaient encore récemment à des soixante-huitards perclus de rhumatismes et de frustrations.

    Se sont ceux là qui soutiennent encore la « pensée séparée » d'idéologies poussiéreuses que ces « penseurs » entendaient pourtant rapprocher dans une hypothétique mondialisation et universalité culturelle devant précéder l'universalité économique et sociale.

    Il faut sortir de cette injonction paradoxale, cette double contrainte, qui pousse un homme comme E.Morin, porteur et vulgarisateur de concepts récupérés ailleurs, en particulier auprès de ceux de l'école de Palo Alto ( Bateson, Watzlawick), à les dénaturer au bénéfice d'une idéologie mortifère comme l'islamisme radical.

    Il n'y a pas, dans le contexte actuel, pour le monde occidental  et oriental, de finalité première qui ne soit plus forte que celle-ci : l'éradication de l'islamisme radical. Ensuite pourra venir la maîtrise de la démographie mondiale, puis la régulation économique et sociale, et enfin une juste répartition des ressources planétaires.

    Commençons donc par le commencement !

    §

    Le texte en question !

    Intelligence de la complexité

    De la sociologie appliquée à la culture populaire jusqu'à la philosophie de la connaissance, cet esprit insatiable est devenu une référence

    Voilà plus de trente ans qu'Edgar Morin, l'un des grands sociologues français du XXesiècle, s'est engagé dans sa grande aventure intellectuelle : l'écriture de « la Méthode », une somme philosophique à la manière des grands traités du XIXe siècle, six volumes dans lesquels il entreprend de repenser les fondements du monde naturel, de la connaissance et de la morale. Cette tâche immense l'a condamné à un isolement monacal et l'a tenu à l'écart de l'agitation médiatique. Mais elle lui a gagné l'audience des spécialistes des sciences exactes et des sciences de la vie, parce qu'au lieu de suivre le parcours obligé des grands textes philosophiques il y dialogue avec les savoirs de la biologie moléculaire, de la pensée systémique ou des théories de l'information.
    Le concept de complexité qu'il entend substituer au vieux principe cartésien de spécialisation et de réduction de la réalité observée à des éléments simples a d'abord séduit les chercheurs des sciences dures puis ceux des sciences humaines qui avaient eu tendance à s'enfermer au contraire dans une spécialisation accrue. Edgar Morin, qui a longtemps souffert d'une image d'amateur et de marginal dans son milieu professionnel, est aujourd'hui un penseur reconnu, commenté, célébré du Vieux Continent au Nouveau Monde; une sorte de grand sachem dont tout le monde, du professeur de collège au chef de l'Etat, invoque l'autorité.
    En réalité, Edgar Morin n'a pas eu deux vies. Il en a eu trois, quatre, peut-être dix, et toutes n'ont cessé de survivre en lui. C'est ce qui explique l'exceptionnelle richesse de son itinéraire et de son oeuvre publiée (une bonne trentaine de livres). Tout se noue pour lui quand les troupes allemandes entrent à Paris au moment où il commençait des études supérieures. Il choisit de fuir en zone libre. A Toulouse, il entre dans un réseau de Résistance d'obédience communiste et connaît les tribulations de la vie clandestine avec ses hasards heureux et ses drames. Versé à la Libération dans les forces d'occupation en Allemagne, il en revient avec son premier livre, « l'An zéro de l'Allemagne », un saisissant témoignage sur Berlin enseveli sous les ruines et la défaite. A son retour, le PC lui assure le couvert avec un poste de permanent qui lui permet de s'initier au journalisme. Mais il a de plus en plus de mal à retrouver dans le stalinisme soupçonneux du parti de Maurice Thorez l'optimisme révolutionnaire, adossé au grand frère soviétique, qui l'exaltait dans les combats de la Résistance. Il se serait éloigné du Parti sans fracas si celui-ci n'avait décidé de l'exclure, comme il l'a raconté dans « Autocritique », un passionnant essai autobiographique qui inventa un genre littéraire promis à un grand succès en France : les Mémoires des ex-communistes.
    Sa rupture avec le PC, qui aurait pu n'être qu'un simple dégrisement, devient pour lui une blessure profonde dans laquelle se réveille le sentiment de rejet, d'abandon qu'il éprouva, enfant, à la mort de sa mère. Son exclusion ne l'a pas poussé vers la droite, comme nombre d'autres intellectuels qui ont quitté le Parti. Mais elle l'a rendu allergique pour toujours au manichéisme de l'adhérent et du militant.
    Plus que la fidélité religieuse à une gauche dont la définition serait toujours à reprendre, c'est son passage par le marxisme qui entretient en lui une attention aux ferments qui travaillent la société et l'obligent à se remettre en question. Mais il semble qu'un fil rouge plus secret relie sa posture politique et sa pensée sociologique à la réflexion épistémologique et philosophique qu'il poursuit depuis quarante ans. Pour le saisir, il nous faut remonter plus haut et chausser, l'espace d'un instant, les lunettes du docteur Sigmund. Edgar Morin est né en 1921 dans une famille juive de Salonique, émigrée à Paris pendant la Première Guerre mondiale. A 5 ans, il perd sa mère, que les médecins avaient prévenue : une grossesse menacerait gravement sa santé. Ce lien affectif perdu a durablement orienté sa manière d'appréhender le monde et sa propre identité.
    Son adhésion profonde à la culture française de l'école publique et au catéchisme enchanté de l'histoire nationale n'a pas effacé en lui la douceur des saveurs sépharades, qu'il associe à l'image lointaine de sa mère. «Moi marrane », a-t-il écrit, non pour préserver, à la manière des conversos, une identité secrète sous l'identité qu'il déclare, mais pour revendiquer la liberté de choisir lui-même l'agencement de son identité composite. Il reste attaché au destin singulier du judaïsme et à l'héritage moral qu'il lui a transmis, mais ne s'est jamais senti un devoir d'allégeance à la politique de l'Etat d'Israël.
    Elevé par un père qui ne s'était pas remarié et rentrait tard le soir après avoir fermé sa boutique, il a connu dans son enfance de longues plages de solitude qu'il comblait par une boulimie de lectures désordonnées. C'est ce qui donne à sa culture son immensité chaotique, mal supportée par ceux qui ont subi le dressage des grandes écoles. Cette solitude privée de tendresse maternelle lui a communiqué très tôt une attente des autres mêlée de curiosité, comme si chaque rencontre qui le sortait de lui-même devait être une découverte et chaque individu avec lequel il pouvait établir un lien, un puits de vérité. La particularité de sa quête sociologique vient de là. A la différence de la tradition dominante de la sociologie française, attachée à dégager les normes qui assurent le fonctionnement de la société ou y entretiennent des rapports de domination, Edgar Morin s'est intéressé en priorité à la créativité de l'imaginaire social, c'est-à-dire à la socialisation des désirs et des peurs. Les thèmes des ouvrages sociologiques qui l'ont fait connaître, « le Cinéma ou l'Homme imaginaire », « les Stars », « l'Esprit du temps » ou « la Rumeur d'Orléans », ont pu paraître futiles aux doctes parce qu'ils prenaient au sérieux une culture populaire de consommation réputée aliénée. Mais c'est, en réalité, la capacité de la société à se critiquer et à se réinventer que Morin s'employait à débusquer dans les accents « sauvages » du yé-yé ou l'univers onirique des films à succès.
    Le tournant intellectuel qu'il opère au début des années 1970 après une invitation au Salk Institute en Californie n'efface pas les obsessions de son enfance. Il les transfère au plan épistémologique et métaphysique. Ses nouvelles interrogations ont ceci de commun avec la pensée de Michel Foucault qu'elles considèrent le besoin de séparer, de réduire comme une infirmité de l'esprit humain. Mais alors que l'auteur de « l'Histoire de la folie » ne voit aucune issue à cette malédiction - parce que l'énonciation de la vérité, à ses yeux, sert de fondement à la domination sociale -, Edgar Morin croit possible une réforme intellectuelle qui apprendrait aux hommes à penser ensemble ce qu'ils ont cru longtemps utile de séparer, d'opposer, pour arriver à mieux vivre ensemble.
    On pourrait le qualifier de doux rêveur. Mais son expérience des tragédies du XXe siècle, sa critique impitoyable des idéologies, y compris de l'idéologie du progrès, qui ont porté ces tragédies sont là pour prouver qu'il ne se berce pas d'illusions. Un optimisme incertain, venu des attentes de son enfance, demeure rivé en lui. Au moment où tout le monde dénonce les méfaits sociaux de la mondialisation, il entrevoit dans « Terre-Patrie » la possibilité d'une conscience mondiale sur laquelle pourrait se construire une nouvelle citoyenneté. Cette conscience ne provient pas d'un sursaut humaniste mais des signes désormais évidents d'un danger qui menace la survie de la planète et de l'humanité. Elle a déjà modifié nos habitudes quotidiennes. Elle ne suffira peut-être pas à sauver la planète. Mais l'histoire des hommes comme celle de la Nature sont le produit d'un mélange étrange de hasard et de nécessité. Rien ne permettait de prédire que la vie saurait répondre à l'enfant esseulé Edgar Morin qui cherchait à se lier aux autres.

    Edgar Morin en quatre dates :

    1921. Naissance à Paris.
    1942. Engagement dans la Résistance.
    1969. Parution de «la Rumeur d'Orléans ».
    1977. Début de la publication de « la Méthode »

    André Burguière

    05/08/10