Elle est blessée et si elle se réfugia ces derniers jours à l’ombre des fourrées pour remettre lentement ses idées et sa réflexion en ordre de marche, c’était pour nourrir son fiel : percluse de douleur, elle va foncer la bête, défoncer les barrières et faire rendre gorge à l’imprudent promeneur perdu dans ses divagations normées et convenues, et privées de tout éclair de bon sens dans la contrition culpabilisante et la soumission la plus abjecte du repenti à tous les espoirs de vie. L’armoire d’Albert Camus est grande ouverte, et le linge malencontreusement déplié. Les spores se réveillent, dans la moiteur de cette petite inhumanité grouillante et prospère. Ils verdissent le linge blanc et propagent de nouveau urbi et orbi, comme l’œuvre d’une malédiction, le croissant de l’éternelle soumission aux faibles et aux laquais selon un rite à l’itération inquiétante qui depuis soixante ans transforme les valises en cercueils.
Est-ce un grand remplacement ? Non Monsieur Renaud Camus, c’est une épidémie ! Saprophytes – et comment- ça parasite et ça remplace le bon sang ces petites choses là, on n’en vient pas à bout comme ça…
Ça vous gonfle le bubon ce truc ! Cela dit, la purulence acceptée demeurera toujours celle assumée, et une bonne fièvre, nous nous en persuadons, ne peut être que le petit rhume qui masquera finalement le bubon vert que nous ne saurions voir, tant notre maladie se doit d’être bénigne. Les docteurs nous l’ont dit, nous n’avons rien à craindre, nous ne souffrons de rien et tout va bien dans le meilleur des mondes. Et il arrivera bien un jour où Yersinia pestis redeviendra spores, alors, ils attendront quelques décennies avant de ressusciter leurs petites faux, et on sera avec eux cette fois-ci, coincés dans une pile de linge, en attendant le clairon mobilisateur de la peste verte.
Aujourd’hui, on appelle « immonde » la bête qui veut seulement vivre et protéger les siens. Quelle drôle d’époque ! Charles De Foucauld se rassasia du désert mais je n’ai pas osé créer mon désert intérieur car sa contemplation m’aurait figé dans le nihilisme le plus mortifère. Il faut donc que je combatte, croise le fer et dénonce cette méchante mélancolie qui finit par nous gagner tous et immobilise les meilleures volontés dans la sidération du « plus rien ne sera plus jamais comme avant », comme si cet « après » n’était pas en fait, la conséquence des « avants » vautrés dans la compromission.
Finalement, je ne me résignerai pas.
17 03 17